lundi 7 mai 2012

Lettre à mes amis...

        
           Lettre à mes amis réels, virtuels, et à ceux avec qui je croyais partager des valeurs indéfectibles.

Ceux qui me connaissent un peu ne seront pas surpris de deviner que j'étais content de voir partir le président candidat hier soir. Sans stigmatisation. Pour tout ce qu'il représente et que j'abhorre chez l'être humain, ses idées politiques et son style. Ravi aussi de voir partir sa clique de ministres présomptueux, incapables ou malhonnêtes. Et Pourtant, j'ai très mal dormi.

Très mal dormi car je n’ai pu m’empêcher hier soir de suivre la soirée sur les réseaux sociaux, et que bien qu’aguerri à certaines inepties habituelles, ce que j’ai pu lire ici ou là m’a glacé le sang. Même si cela est bien pratique pour faire le tri, tous ces commentaires prouvent à quel point l'intox a marché et le peu de culture politique et historique de nos contemporains.
Je vais mettre tout le monde à l’aise, je ne suis pas issu d'une famille de gauchistes comme on dit, loin de là, et ne possède pas un seul ancêtre aux racines exotiques, il n'y a qu’à voir mon patronyme.
Qu’on soit de droite, pourquoi pas, il y a bien des gens qui croient en dieu, mais qu'on imagine que c'est la victoire des pauvres, des arabes, des branleurs, des drogués; après toutes les humiliations, la condescendance, la poudre aux yeux, la mégalomanie, l'impudeur totale que l'on a vécue pendant ces longues années, c'est à se pincer. Ou alors c'est qu'on est à court d'arguments.
Je crois comprendre aussi à travers les moqueries que le nouveau président n'est pas assez tape à l’œil, mince, Jet set. Je saisis mieux alors votre déception si vous avez la nécessité d’un président qui vous ressemble. Je ne dois pas avoir l’âme d’un winner. Peut-être que tous les ambitieux,  dents longues et autres donneurs de leçon en ont pris un coup dans leur égo. Tout le monde peut se ramasser. Et ce n’est pas forcément la faute du système, ou de la crise. Je vais vous faire une confidence, je connais des gens qui paient l’ISF et qui étaient content du résultat hier soir. Ils continueront à travailler en France, payer des impôts, et je vous rassure, réussiront à boucler les fins de mois sans le moindre souci, et sans toucher à leur train de vie. A l’heure qu’il est, ils sont sereins, ils hésitent juste sur la couleur de leur prochain véhicule.
Non mais sérieusement, de quoi avez-vous peur.. ? Auriez-vous des choses à vous reprocher.. ?
Au pire, rien ne changera, mais avec un peu plus de décence. Libre à chacun de partir à l'étranger, cela aura au moins comme vertu pédagogique de découvrir vraiment le statut d’émigré. J’aimerais rappeler aux quelques imbéciles, qui, pensant manier l’humour avec brio, imaginent que demain le couscous deviendra plat du jour universel ou encore les babouches obligatoires, que la plupart des gens qui ont voté hier sont les plus grand défenseurs de la laïcité et les plus anti communautaristes. Bien à vous de préférer églises aux mosquées ou je ne sais quel temple, je vous laisse entre vous, je ne me sens pas concerné. Je suis un homme libre. Et je pense plus fort que jamais que la religion est une histoire privée, et qu’elle n’a rien à faire dans la vie de la cité.

Alors oui, hier soir, j’étais ravi, sans triomphalisme, car je pense que le programme que j’aimerais voir appliquer un jour aurait vraiment de quoi vous foutre les jetons. Mais j’étais ému.

J’ai pensé à toi, maman, qui bien que déçue par le passé devait avoir les larmes aux yeux devant ta télévision en repensant à tous les gamins que tu as porté dans l’école de la république, avec si peu de moyens et toute cette misère, tu peux partir à la retraite, tu l’as bien mérité malgré tous les crachats infâmes.
J’ai pensé à toi Patrick, qui essayait peut-être de suivre le décompte, de garde au milieu des brancards entassés et des plaies de l’âme.
J’ai pensé à toutes ces femmes qui ne sont toujours pas représentées et considérées.
J’ai pensé à vous, mes amis des minorités si grandes, pédés, noirs, arabes, juifs, mohicans, zapatistes, à ceux qui ont reconstruit la France, ceux qui participent à sa culture bouillonnante et sa créativité légendaire, vous qui vous levez tous les matins malgré les gifles quotidiennes.
J’ai pensé à toutes ces fois où toi, avec ta gueule de métèque, les yeux plein de larmes, tu enviais mon état civil, après avoir essuyé une énième humiliation, alors que tu méritais toutes ces choses autant que moi.
J’ai pensé à Charlie Hebdo et leurs locaux dévastés.
J’ai pensé à tous les inadaptés, les handicapés, les vieux, les rmistes, les chômeurs, qui aimeraient pouvoir prendre part à cet effort collectif.
J’ai pensé à tous mes amis ici, avec leurs noms bizarres et leurs utopies éternelles.
J'ai pensé à Ghis, qui est obligé de bosser double grâce au superbes Lois Robien.
J’ai pensé à vous, Gilles Doyen, Fred Tanari et les autres, avec vos musiques et chansons aussi lucratives que les miennes, mais qui n’ont pas de prix.
J’ai pensé à toi, ma fille, mon petit biscuit, à qui je n’ai su expliquer pourquoi certaines personnes avaient deux maisons et d’autres zéro comme tu dis. Il faut croire que les sueurs ne se valent pas.

Je ne crois en rien, j’espère juste que certaines choses vont changer, comme toujours. Dans le cas contraire, je compte bien me faire entendre. Et fort.

Bon, c’est pas tout mais on est déjà le 7 mai, j’ai le loyer à glisser dans la boite aux lettres de ma propriétaire, et comme elle dit, si vous saviez ce que c’est que d’avoir tous ces appartements à gérer ! Je ne voudrais pas lui mettre une couche supplémentaire d’angoisse.

Et puis j’avais pas dit que lundi c’était le retour de la poésie.. ?

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