samedi 18 décembre 2010

Ma fleur



Vous n'aurez pas ma fleur

Celle qui me pousse a l'intérieur
Fleur cérébrale et fleur de cœur
Ma fleur
Vous êtes les plus fort
Mais tous vous êtes morts
Et je vous emmerde.

mercredi 15 décembre 2010

Tigre de papier













J'ai mordu j'ai griffé
Craché des étincelles
Pas fait dans la dentelle
Tenté d'intimider
Mais je ne suis en somme
Qu'un tigre de papier

J'ai rendu j'ai porté
Tous les coups un par un
Mais jamais n'ai donné
L'estocade en entier
Car je ne suis en somme
qu'un tigre de papier

J'ai couru j'ai foulé
Dévoré des gazelles
Abrégé des querelles
Pour mieux me faire la belle
Oui je ne suis en somme
Qu'un tigre de papier

J'ai rugi j'ai feulé
Remonté des rivières
Des chemins solitaires
Tenté d'impressionner
Mais je ne suis en somme
Qu'un tigre de papier

lundi 13 décembre 2010

Le Puzzle

Comment l'expliquer, c'est un peu comme si tout à coup les pièces du puzzle avaient retrouvé leur emplacement natal, logique, que tout s'imbrique aisément en des coulisses invisibles et paraffinées, tel le tenon dans la mortaise. Chaque pièce n'a qu'une place. Tout était finalement peut-être trop près, sous mon nez, dans mon entourage, mon quotidien, il m'aura fallut la moitié d'une vie pour que j'arrive à prendre le recul nécessaire et que l'évidence transparaisse. Ne plus jouer à être, mais être vraiment, quel qu'en soit le coût. Et cela, personne ne peut le faire à votre place.
La liberté fait peur, et l'on s'entrave afin de l'aliéner pour qu'elle ne soit plus qu'un esclave soumis. Je me suis trop occupé, préoccupé, diverti, abruti, assommé pour n'avoir pas à me retrouver en face de moi-même. La peur, toujours la peur, de ne pas être à la hauteur, de tenter, de chuter, de concourir, de tirer des conclusions, car on a encore le temps de voir, demain.
Mais il y a un moment ou demain devient aujourd'hui.

J'avais pourtant un entrainement imparable, j'aurais pu tenir encore pendant des siècles. Heureusement, il y a le sens de l'observation, bien difficile à étourdir. La peur de me mouvoir au travers de la vie en tirant un boulet à mon pied aura été plus puissante que la peur tout court.

Si je dois partir demain, je n'aurai besoin de rien. Tout est dans ma tête.
"Transbahutez vos idées comme de la drogue...
Tu risques rien à la frontière
Rien dans les mains

Rien dans les poches
Tout dans la tronche!"


Vous êtes tous là, en moi, je n'ai plus besoin d'antisèches, j'irai au bout du couloir, seul, sans regarder mes pieds, sans cette boule qui croit à mesure que les mètres rétrécissent, je donnerai tout ce que j'ai, et je ressortirai de la classe plus léger que la plume, comme survolant la pesanteur de l'existence.

Ce qui me fait sourire, car quelque peu paradoxal, c'est de réaliser que cette peur tant reprochée se trouve finalement être le moteur grâce auquel j'aurai pu parcourir la distance jusqu'à moi-même. J'ai appris à séparer le grain de l'ivraie, tant je craignais de perdre quelque chose que je sentais en moi comme un présent inné. Ce fut ce partage difficile, ajouté à un travail de sape extrinsèque, qui aura dévoré mes années jusque sur ma couche. Qu'importe, ce qui compte est ce déclic libérateur, et ma rancune légendaire s'en trouve même curieusement ajournée, peut-être par le fait que oui, sans toutes les pièces, ce puzzle serait alors incomplet, votre injustice ayant compté pour beaucoup.
Personne n'aura réussi à me voler mes rêves.

"La réussite n'est pas une preuve de liberté, l'échec oui.
Il est urgent de ne pas être prudent."

Il me reste encore de nombreuses pièces à assembler, mais je les ai, là, au creux des mains.

Je n'ai plus peur des imperfections.
Je n'ai plus peur de vous.
Je n'ai plus peur de me tromper.
Je n'ai plus peur de tomber.
Je n'ai même plus peur de vieillir.

mardi 7 décembre 2010

Je me rappelle...


Je me rappelle de ce jour où tu m’as donné les clefs de ton appartement, du filet de lumière qui traversait l’atelier, des poussières en suspensions dans ce rai transversal, de ta main tendue à travers cet éclairage céleste.
Je me rappelle du bruit de la dégauchisseuse dont le régime perd tout à coup plusieurs centaines de tours-minute par seconde, du sas isophonique dont les portes s’ouvrent sèchement, des pas approchant de mon père, immense, et de la sensation de n’être qu’un lézard.
Je me rappelle du visage du futur président de la république apparaissant petit à petit à vingt heures précises, du poids des secondes, et que, jusqu’à la dernière bandelette j’ai voulu penser que tout n’était pas encore joué.
Je me rappelle du grattement aux chevilles procuré par nos courses interminables dans les champs, les chaussettes pleines de boules tenaces et urticantes.
Je me rappelle de la joie et de la frayeur qui m’ont envahi lorsque j’ai découvert les deux traits parfaitement alignés sur le test de grossesse.
Je me rappelle des plafonds démesurés de cet ancien hôpital réhabilité en école de musique, et des cris que j’avais encore l’impression d’entendre résonner entre les grappes réverbérées de flutes traversières.
Je me rappelle de ces cigarettes roulées caramélisées aux formes improbables dont je n’osais avaler la fumée.
Je me rappelle les phares qui découpaient l’obscurité, ma tête sur ton épaule, et l’impression d’être les gardiens du monde l’espace d’une nuit.
Je me rappelle de l’odeur de la moquette de cet escalier, des billes qui y rebondissent sans leur claquement agaçant, de cette rampe lustrée par les frottements, de mon impossibilité de m’empêcher le compte de ses marches à chaque trajet, alors qu’elles n’étaient et ne resteraient que dix-neuf jusqu’à la fin de l’aventure.
Je me rappelle des derniers mots de cet habitué ressemblant à un indien qui se plaignant d’une forte migraine n’avait même pas fini son café, et qu’on avait retrouvé chez lui en travers du couloir, mort.
Je me rappelle de cette rentrée des classes où nous étions arrivés par hasard avec les mêmes chaussures, et où personne n’avait voulu croire à cette coïncidence.
Je me rappelle de l’odeur chlorée de ce vestiaire, où la virilité était la première des valeurs.
Je me rappelle de ce trottoir complice qui faisait exactement la même hauteur que notre différence de taille et permettait à nos bouches de se rencontrer parfaitement.
Je me rappelle de l’excitation qui précédait nos répétitions hebdomadaires, et de cette parenthèse de liberté absolue pendant laquelle nous nous moquions de tout.
Je me rappelle de ces samedis matins où nous mangions du cervelas et buvions du vin rouge au petit-déjeuner avec les forains, fascinés par les mains gigantesques du poissonnier, pendant que nos camarades rejoignaient d’un pas pressé l’établissement scolaire.
Je me rappelle de cette satisfaction le jour où j’ai tiré ma première ligne du tableau électrique et qu’à l’enclenchement de l’interrupteur les ampoules se sont éclairées sans sourciller.
Je me rappelle que nous avions creusé un trou le plus profond possible pour trouver de l’eau, et que nous avions trouvé des vieilles cagettes, puis de la roche trop dure pour nos pelles en plastique.
Je me rappelle de la première fois où je suis parti tout seul en voiture.
Je me rappelle des lettres dans la soupe, et de ma victoire sempiternelle à écrire mon prénom avant le tien, qui comportait quasiment le double de lettres.
Je me rappelle de la fois où tu m’as dit au téléphone que je ne faisais pas parti du quotidien de ma fille.
Je me rappelle avoir vu le père-noël traverser le ciel dans son traineau à travers les persiennes, la même année où j’ai appris le secret de la grande trahison.
Je me rappelle de mes membres qui tremblaient et de ma tête qui tournait à la découverte progressive du corps féminin.
Je me rappelle de cette stupéfaction un après-midi chez ma voisine en réalisant que la robe de Casimir n’était pas grise mais orange.
Je me rappelle qu’après t’avoir lu ce texte, ta seule remarque fut de me dire qu’on ne disait pas « je me rappelle », mais « je me souviens ».

Je me rappelle de tout cela, et pourtant, impossible de me souvenir où j’ai garé cette satané voiture.