samedi 30 décembre 2017

Jupiter

On se lève le matin et tout va de travers. La nuit vous a donné du fil à retordre. Dans la rue les marteaux-piqueurs hurlent. Vos côtes vous lancent. Les finances sont au plus mal. Ce reflet dans l'écran blafard ne vous met pas à votre avantage.

Il reste une seule solution pour que je me sente encore un homme. Personne, à part moi ne peut me l'offrir, moi et mes poches crevées, afin que mon paletot redevienne idéal. Ni le dernier sultan, ni le premier personnage de l'état. Tirer du néant. Arracher des lambeaux de vie là où elle se trouve, tapie dans l'ombre.

Ma dernière cartouche. Ce putain de douzième morceau qui se refuse. Prendre des p'tits bouts de trucs et puis les assembler ensemble, en attendant que faussement il surgisse. Ce demi-riff qui traîne en tête, une envie d'en découdre mais rien de plus, essayer de rafistoler quelques poupées de chiffon. Alors on brode, on brode, puis le fil s'épaissit...
Il n'y a pas de règles, pas de limites, pas de lois, rien n'est écrit. On est seul avec soi-même. Personne à appeler à la rescousse. Quelques grappes de notes, quelques bribes de texte, c'est un bon début mais rien qui ne laisse présager la f orme finale, l'enveloppe précise. On tente des trucs hasardeux, parfois vraiment ridicules, à deux doigts du forfait, puis là d'un coup ça fonctionne.
On tourne la pièce du puzzle et elle s'encastre correctement. Un bon début. Continuer à chercher plus tard..? Non, plus tard j'aurai peur d'abandonner, il faut finir dans l'instant, dans l'élan, il me faut aller tout au bout aujourd'hui, avant que le soleil ne se couche, mettre toute la gomme, allez, je peux le faire, elle est là, dans la paume de ma main..!

Ce matin elle n'existait pas, et la voilà, la dernière, elle s'appelle Jupiter.





Dans l’antre des alcôves
Feulent nos gueules fauves
Filent nos prés carrés

Tapies dans la pénombre
Rouillent nos bouilles sombres
Et parlent au passé

Ruminent à loisir
Le brûlant souvenir
D’être passé si près


Évanouissent nos frondes
Polissent nos facondes
Nos griffes acérées

Dans l’ordre et le silence
Somment nos révérences
Pourtant il suffirait

D’une pauvre étincelle
Pour que sonne l’appel
Et prenne le brasier

Sur Jupiter
Par Toutatis
Que fusent les feux d’artifice

Roi, fainéant
Qui donc vaut rien ?
Et que chantent les lendemains

Hommes de rien au hasard
Traversent gares hagards
Limons aux yeux collés

Laisse au moins leur chandail
Toi tes épouvantails
Filin d’acier doré

Je garderai ma voix
En supplice chinois
Même la gorge tranchée

Qu’une pauvre étincelle
A la rue sans appel
Enflamme le brasier

Sur Jupiter
Par Toutatis

Que fument les sourires complices

Cynique, extrême
Ou bien blanc-seing ?
Et que chantent les lendemains

Même la gorge tranchée
 (simon polaris - album "le reste du monde" - sortie février 2019)