samedi 15 février 2014

Beauté pour tous

J'ai mis longtemps à vous aimer. D'abord ce nom, La Maison Tellier, comme une balafre sur une gueule d'ange, quoique j'affectionne trop les imperfections pour ne pas y trouver un certain charme, disons alors plutôt un poireau, une verrue, une excroissance douteuse. Je n'ai pas franchis le seuil de cette Maison immédiatement, craignant qu'il faille se déchausser, ou au contraire y pénétrer les pieds boueux pour bien marquer son territoire, chemise de trappeur et barbe hirsute afin de montrer son appartenance à cette famille chevelue et pouilleuse.
Force est de constater que je me suis trompé. On entre en La Maison Tellier comme on est, pour en ressortir quelqu'un d'autre, grandi par l'humanité débordante glanée sur chaque titre, giflé par la cinglante évidence des mots bien choisis et bien placés, en une leçon de vie.
Quelle joie trop rare d'attendre une date abstraite, synonyme de sortie d'album d'un contemporain. J'y étais, ce 14 octobre, pour déchirer la cellophane du nouvel opus, dont le titre Beauté pour tous, comme une invitation, laissait planer un bon présage. Un deuxième m'attendait en découvrant la track list, enfin débarrassée de ces titres anglais bâtards dont l'incongruité flirtait avec l'indécence de ne s'assumer qu'à moitié. Va essayer de faire rimer blafard avec phare en englishe toi...
La Maison Tellier fait partie des groupe dont il ne faut point trop parler, ou pas à n'importe qui, dont il faut espérer un succès tout relatif, afin que la machine du monde n'opère pas en tranchant dans le vif de l'intime. Car c'est bien cela dont il s'agit, l'intimité. Un Tellier, ça ne se chante pas à tue-tête, ou bien seul en voiture, ça regarde chacun, ça gratte là où il faut, ça déchire le paysage et rabote le cul comme une vieille suspension, ça chauffe la gorge comme un grenache à bonne température, alors que survivent trompettes bileuses et élans fatalistes, teintés d'éclaircies manifestes..!

Aucun commentaire: